lundi 5 septembre 2016

Valses de Vienne

Plusieurs kilomètres à travers les rues à pieds nous permettent de mieux découvrir tous les détails de cette ville grandiose. Les façades sculptées et les imposantes bâtisses saluent les petits tramways qui zigzaguent tout alentour. Les clichés s'amoncellent dans nos appareils photos pour garder comme un trésor la beauté de Vienne. Pas moins de 12km par jour nous dit S-Healh. Nous commençons à nous familiariser avec les lieux, et une carte n'a plus de secret pour nous! 

Ainsi, nous passons dans le désordre devant la Cathédrale gothique Stephansdom,  l'institut de médecine au petites briques rouges, le lycée français, l'ambassade de Suède, de l'ombre en haut du musée Albertina, des transats dans le parc Freud, la maison de Strauss, le musée Juif, le musée d'histoire naturelle, l'opéra de Vienne, la bibliothèque nationale, les quais verdoyants le long du petit Danube, et même les quais un peu plus "underground" pour les teuffeurs et graffeurs du coin! 

La plupart des ruelles sont pavées et les sabots des chevaux tirant leur fiacre à touristes résonnent, nous replongeant agréablement dans une ambiance fin 19ième. 
Mais Vienne abritent aussi son lot de pauvreté avec un réseau de mendiants tous les 15 mètres. Les mêmes que chez nous, certains à genoux, presque allongés, perdant leur dignité pour quelques centimes, d'autres avec un discours tout prêt affichant un visage de victime pour invoquer l'empathie des badauds. La jeunesse aussi envahie les rues, guitare et violoncelle à la main pour un medley des tubes actuels façon "classique". D'autres se regroupent dans le parc Freud en rond autour d'un poste pour plusieurs heures d'électro ou reggae. La plupart des femmes sont habillées simplement, décontractées ou façon vintage. Beaucoup portent le voile et je ne peux m'empêcher de penser à toute cette polémique française qu'on leur fait porter en ce moment. On pointe les femmes du doigt pour nous faire oublier les vrais problèmes : la loi travail que l'on vote pendant les vacances avec un 49.3. Et ça ose encore invoquer le nom de "Liberté". Notre liberté c'est celle de choisir. Choisir de ne pas tomber dans le piège des médias, des politiques et exprimer notre colère au nom des valeurs humaines, car nous n'avons pas voté pour perdre nos droits en un été, balancer des bombes sur la gueule d'innocents et leur fermer nos frontières en punissant ceux qui tentent encore de sauver quelques embarcations de vies humaines. Je marche dans les rues de Vienne en pensant à la vie, et la vie c'est un mélange de tout ça. Et tant que l'on aura pas compris ça, on accusera toujours la différence d'autrui de nous faire de l'ombre, pour ne pas assumer que nous aussi, nous sommes différents aux yeux des autres. Vienne a perdu en son temps tous ces artistes, penseurs, médecins... Juifs. 

Le préambule de la Charte de l'Unesco énonce : "Les guerres prenant naissance dans l'esprit des hommes, c'est dans l'esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix." 

Monsieur Saito, du mouvement bouddhiste Soka disait "nous devons travailler à la création d'une époque où la vie sera reconnue comme la valeur suprême."
- Extraits du hors série n°6 "Valeurs humaines"

Vous ai-je parlé de notre hôte ? Non ? Pas encore ? Bien.
Il s'appelle Christian, un homme charmant, sociologue, ainsi que sa femme Jana, tout aussi gentille. Il nous a conseillé un itinéraire de marche en pleine nature ! Un rendez-vous avec la verdure viennoise à 1h d'ici environ. Nous nous rendons le samedi suivant sur les hauteurs de Kahlenberg. A pieds, métro U4 jusqu'au terminus, puis 25mn de bus (ligne 38A) pour admirer la vue sur la ville. Le temps est chaud mais légèrement couvert. Dommage pour les photos, mais tant pis on se console avec des "pommes frites" au ketchup avant d'entamer la descente sur les coups de midi. La balade est à pic et promet 2h de marche alterné entre ombre et soleil. Les panneaux indicateurs facilitent l'orientation. De chaque côté, des vignes principalement et des paysages absolument magnifiques et reposants. Une halte sur l'herbe ou dans un parc dans lequel nous croisons Beethoven, ou bien encore, un gros écureuil marron foncé qui nous épie depuis une branche. Mon appareil photo ne manquera ni l'un ni l'autre. 

La fatigue se fait sentir mais nous décidons de ne rien perdre de cette belle journée pour enfin nous rendre au sud de Vienne, cette fois, pour aller voir le Hundertwasserhaus. Après une pomme achetée à la gare et une bouteille d'eau, nous reprenons le métro U4 dans l'autre sens jusqu'à Landstrasse, puis encore quelques mètres à pattes! Au fait ! L'eau du robinet à Vienne est une merveille. Christian nous l'avait conseillé et il a entièrement raison! Je n'ai jamais bu une eau aussi bonne! 

Et voici l'oeuvre de Friedensreich Hundertwasser tout en couleurs. Un complexe HLM hors du commun que l'architecte a conçu entre 1983 et 1985. Il ne répond à aucune norme avec des fenêtres irrégulières et ses 253 arbres et arbustes. Cette oeuvre créative nous embarque dans un monde irréel comportant 52 logements. En dessous, la terrasse me fait penser aux décors d'Alice au pays des merveilles. Petit tour dans le "village" peuplé de merchandising. On se prête au jeu comme de vraies touristes! 

La journée a été riche, et au vu des calories brûlées, nous méritons un goûter digne de ce nom. Ce samedi magique prend fin au "Café central", lieu incontournable et coup de coeur des gourmands. Le comptoir à pâtisseries nous attire jusqu'à ce que nous comprenons qu'il faut faire la queue pour être placé. Un standing auquel nous n'avons pas l'habitude. On nous installe sous les voutes, tandis qu'un pianiste rejoue les valses avec une dextérité sans faille. Le rêve commence lorsqu'on nous apporte nos cafés viennois voluptueux ainsi qu'un Café central Torte pour Kitoom et un warmer apfelstrudel pour moi. No comment. Vienne est là. 
















Culturons-nous viennois

Après le musée de l'Homme au pied de la tour Eiffel à Paris (présentez sur un billet précédent), nous avons chacune choisi un musée viennois pour des vacances qui se veulent culturelles ! Sans surprise, Freud is mine. 

Dès le deuxième jour, c'est LE jour, LA visite pour laquelle j'ai traversé l'Europe ! J'ai "rencontré" Freud lors de mon année de terminale, en philo, avec l'étude des rêves! Depuis ma licence : étude sur les névroses. L'année prochaine, j'entame les psychoses. Et beaucoup de lectures. Découvrir la psyché humaine est illimité et passionnant! Mon livre préféré, celui du grand Sacks "L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau". 

Nous passons la porte... L'entrée est au premier étage et les murs sont décorés d'une frise retraçant les grandes étapes de la vie du Maître mais aussi celui de la psychanalyse, ainsi que la place des femmes dans cette discipline! L'escalier est magnifique avec ses rambardes en fer forgé. Le musée se situe dans l'appartement divisé en deux parties : l'une pour le cabinet et la salle d'attente, l'autre pour la famille. Il a été réhabilité  par l'association de psychanalyse en 1971 (auparavant des locataires le louaient et y vivaient), et les différents meubles d'époque et objets ayant appartenus à Freud ont été offerts par Anna Freud, sa fille. Freud a vécu dans ce lieu de 1891 à 1938, puis ils ont du fuir la nazisme vers Londres. Ses quatre soeurs, elles, n'ont pas survécus et ont été exterminées dans les camps. 

Le cabinet de Freud était peuplé de ses dizaines d'objets de collection : des antiquités étrusques, romaines, égyptiennes... Une partie est exposée dans la salle d'attente! Cette même salle qui a vu passer nombre de patients, tel que "l'homme au rat" et "l'homme au loup"! Les expositions de photos en noir et blanc sont superbes. Même si vous n'êtes pas intéressés par l'histoire de Freud mais que la photographie est votre "hobbie" alors vous ne devez pas manquer d'y aller. A l'entrée, on nous tend des guides audio en français et un classeur de lectures pour chaque tableaux et objets. Le musée offre énormément d'informations, c'est une chance inouïe d'arriver jusque là. 
Nous apprenons qu'il a eu 6 enfants ! Nous pouvons imaginer la vie qui régnait entre ces murs, immortalisée par des clichés magnifiques de son amie Marie Bonaparte. 
18h, la séance se termine. 
Retour à la vie citadine viennoise! 

Le lendemain, c'est à Kitoom de choisir et ça sera : le Mumok (Musée d'art moderne XXieme, XXI ième Siècle) situé dans le quartier des musées. Au sud ouest du centre ville, cela nous permet de passer devant l'emblématique cathédrale gothique de Vienne, entourées de dizaines de touristes. La chaleur nous oblige à prendre une glace ;-) vanille pistache, et pour moi stracciatella et myrtille! 

Le Mumok est un espace contemporain dans le quartier "hipe", un cube sur 6 étages avec des murs bruts et des escaliers en fer.  Les trois étages supérieurs présentent des oeuvres très décalées et modernes. Des structures couvertes de peinture de toutes les couleurs, une prise géante peinte, une benne à ordures métallique remplies de tableaux et oeuvres déchiquetées, des mannequins transformés donne une impression d'anormale... C'est l'étage 2.0 ! J'ai personnellement beaucoup de mal à adhérer à ce genre d'art nouveau. Beaucoup d'oeuvres dérangent et c'est peut-être là leur but. Pour la plupart, des représentations sexuelles ou particulièrement violentes ou rapport à l'antisémitisme. 

La suite correspond plus à nos goûts : l'art noble comme ont dit avec des sculptures (Alberto Giacometti : Femme debout III et Buste de Diego) et plusieurs rangées de tableaux exposés sur des grilles immenses. Plusieurs artistes issus du surréalisme : Magritte (la voix du sang) ou Juan Miró. C'est également une rencontre avec un tableau de Kandinsky (l'élan tranquille) mon chouchou présent aussi au musée des beaux arts de Nantes. Le bâtiment de plus de 4800 m carré où l'on retrouve aussi aussi du Paul Klee, Picasso, et le bleu inoubliable d'Yves Klein! 
Nous n'avons pas vu les oeuvres de Yoko Ono, cependant j'ai grimacé en voyant "Napoléon, napoléon, tu as une araignée dans le plafond" de Niki de Saint Phalle. Un clin d'oeil à notre étape suédoise ? Et la journée touche à sa fin.

Il nous a manqué des explications pour saisir la portée des oeuvres de l'exposition " Painting 2.0", cependant nous sommes satisfaites d'avoir approché un tout autre monde. J'espère que ce billet vous donnera envie d'y aller à l'occasion ! 

Avec tout ça, un capuccino glacé s'impose! 27°! 







Dans l'ordre : Freud, Breuer et sa femme Mathilde, l'écrivain Stefan Zweig








Photos 1, 2, 3 et 4 Vue générale.
Dans l'ordre ensuite : Niki de Saint Phalle, Giacometti, Picasso

vendredi 2 septembre 2016

Au 19 Bergasse

Pourquoi Vienne ? C'est avant tout pour voir le Maître ! 

J'entame ma troisième année de licence à l'université de Rennes 2 par correspondance. Autant dire, un travail de titan coordonné au boulot et une vie sociale disparue ! Ce voyage c'est mon TP. Un moyen de maintenir la flamme pour ces études de psycho, passionnantes mais qui plongent parfois les étudiants à distance dans un profond doute cosmique... Allons pas de temps à perdre, l'avion entame sa descente, le train file vers le 'Ring', 45 minutes de marche vers Alsergrund, quartier 9 au nord du centre ville, et direction Bergasse, 19 : lieu de vie et cabinet de Monsieur Freud durant 47 ans. Mes baskets aux pieds foulent le pavé, mes yeux cherchent le numéro et l'enseigne rouge nous indique que le musée se trouve bien là. Il y a 100 ans, il était là, rentrait chez lui, et montait jusqu'au premier pour s'installer dans son bureau, entouré de ses objets d'antiquité qu'il collectionnait ! La visite est prévue pour demain, je me contente d'un shooting photos de la façade. La fatigue nous gagne après tant d'émotions, et c'est au Café Freud que nous terminons notre course avec un thé vert, dans un décor totalement kitch, charmant, avec des tableaux de Freud ornés de boutons façon Klimt. Il n'y a plus qu'à attendre 15h pour la remise des clefs de notre Rbnb, à 10 minutes de là. 

Notre nouvel appartement s'inscrit dans un immeuble Haussmanien de 1896, dans les beaux quartiers, à l'époque même de Freud. Vienne a vu naître nombres de grands de ce monde : Beethoven, Mozart, Zweig (mon chouchou! Le film 'Adieu l'Europe' est un chef d'oeuvre), Breuer, Klimt, Schubert, Strauss, Mendel, et la fameuse Sissi bien sur, pour ne citer qu'eux... Il est temps de poser nos bagages, et de goûter l'air des vacances autrichiennes ! Le temps est splendide. Ciel bleu. Pas un nuage.

La psychanalyse est vivement critiquée en France, pourtant qui à notre époque se donne corps et âme dans une recherche scientifique à la cause d'autrui, et ce durant toute sa vie ? Est-ce que la génération Candy Crush offrira elle aussi son lot de génies ? Freud a vécu une époque sombre que nous ne devons jamais oublier. L'Europe a toujours sa par d'ombre un siècle plus tard, il est de notre devoir de protéger les générations futures par notre engagement et notre sens des responsabilités. L'Autriche vient d'élire un président du parti écolo contre front national. Quel choix aura la France en 2017 ? Premier jour, et déjà tant de questions. Pour rester dans le thème, je vous invite à lire Orwell '1984' le temps que je termine Irvin Yalom! On en reparlera!